la rose d'Ispahan

la rose d'Ispahan

Siamois

La Rose d'Ispahan, un affixe au parfum d'Orient

Les roses d'Ispahan

Poème de Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-1894)

Les roses d'Ispahan dans leur gaine de mousse,
Les jasmins de Mossoul, les fleurs de l'oranger
Ont un parfum moins frais, ont une odeur moins douce,
O blanche Leïlah ! Que ton souffle léger.

Ta lèvre est de corail, et ton rire léger
Sonne mieux que l'eau vive et d'une voix plus douce,
Mieux que le vent joyeux qui berce l'oranger,
Mieux que l'oiseau qui chante au bord du nid de mousse.

Mais la subtile odeur des roses dans leur mousse,
La brise qui se joue autour de l'oranger
Et l'eau vive qui flue avec sa plainte douce
Ont un charme plus sûr que ton amour léger !

O Leïlah ! Depuis que de leur vol léger
Tous les baisers ont fui de ta lèvre si douce,
Il n'est plus de parfum dans le pâle oranger,
Ni de céleste arome aux roses dans leur mousse.

L'oiseau, sur le duvet humide et sur la mousse,
Ne chante plus parmi la rose et l'oranger ;
L'eau vive des jardins n'a plus de chanson douce,
L'aube ne dore plus le ciel pur et léger.

Oh ! que ton jeune amour, ce papillon léger,
Revienne vers mon cœur d'une aile prompte et douce,
Et qu'il parfume encor les fleurs de l'oranger,
Les roses d'Ispahan dans leur gaine de mousse !

Conte arménien : La rose d’Ispahan

Il y avait une fois, dans une localité des monts Zagros, un homme vieillissant qui, après avoir toute sa vie vendu des figues et acheté des dattes, ne s’occupait plus que d’écrire l’histoire des anciens Mages car il estimait le passé moins périlleux que le présent.

Il vit un jour une arménienne venue d’Orient. Elle était aussi belle que la ville où elle était née : Ispahan, cette ville que les voyageurs estiment la plus belle de toutes celles d’Orient. L’homme, qui écrivait l’histoire des anciens Mages, d’abord la craignit car il savait la beauté plus dangereuse que les flèches de tous les guerriers. Mais malgré lui il lui semblait respirer les parfums d’Ispahan en manipulant les parchemins des anciens Mages.

 

Un soir elle lui dit qu’elle était plus heureuse avec lui que sans lui. Alors il ne vécut plus que pour la rendre heureuse et il partageait avec elle tous les plaisirs qu’elle ressentait. Du bonheur de cette femme dépendait maintenant son bonheur personnel et cela valait beaucoup mieux que les figues, les dattes, les anciens Mages et les filles locales devenues bien ennuyeuses à côté de cette femme arménienne.

 

Il sentait sur le corps de cette femme les parfums de toutes les roses d’Ispahan, la ville où les roses exhalent le plus doux des parfums. Il la voyait le plus souvent possible et, quand elle n’était pas là, il la voyait encore, même si sa plus grande peur était de ne plus la voir. Mais il espérait que, si elle était heureuse, elle resterait près de lui.

Récemment, des archéologues australiens ont découvert sous un tertre des Monts Zagros, le tombeau de cet homme dont ils connaissaient déjà, par des tablettes de terre cuite écrites en cunéiforme, le commerce des fruits secs et les écrits sur les anciens Mages. Mais ils furent très étonnés car la tombe ne portait qu’une seule inscription :

« J’ai aimé une femme arménienne venue d’Orient », comme si rien d’autre n’avait eu d’importance pour cet homme, qui a vécu il y a très longtemps, dans une localité des monts Zagros.